Voilà, une Collection
Texte 2017-2018

Voilà, une collection, notes pour le livre à venir.
Premier chapitre d’un texte qui en comptera douze.
Work in progress, 2017-2018

Voilà, 1538, grammaticalisation de l’impératif vois là.

Marcel Proust dans Jean Santeuil, sur l’œuvre de Claude Monet Bras de Seine près de Giverny, 1897 : « Quand, le soleil perçant déjà, la rivière dort encore dans les songes du brouillard, nous ne la voyons pas plus qu’elle ne se voit elle-même. Ici c’est déjà la rivière, mais là la vue est arrêtée, on ne voit plus rien que le néant, une brume qui empêche qu’on ne voie plus loin. À cet endroit de la toile, peindre ni ce qu’on voit parce qu’on ne voit plus rien, ni ce qu’on ne voit pas puisqu’on ne doit peindre que ce qu’on voit, mais peindre qu’on ne voit pas, que la défaillance de l’œil qui ne peut pas voguer sur le brouillard lui soit infligée sur la toile comme sur la rivière, c’est bien beau. »

Ne travaillez pas, n’aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi, j’ai trouvé le rire nouveau qui donne le laissez-passer. Il n’y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n’y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout. Francis Picabia, Jésus-Christ Rastaquouère, 1920.

Y’a des tas de trous dans le désert et y’a des tas de problèmes enterrés dans ces trous. Nicky (Joe Pesci) à Sam (Robert de Niro), Casino, Martin Scorcese, 1995.

Mais, précisément, l’essence de la littérature, c’est d’échapper à toute détermination essentielle, à toute affirmation qui la stabilise ou même la réalise : elle n’est jamais déjà là, elle est toujours à retrouver ou à réinventer. Il n’est même jamais sûr que le mot littérature ou le mot art réponde à rien de réel, rien de possible ou rien d’important. Maurice Blanchot, Le livre à venir, Gallimard, 1959.

Collection, substantif féminin. Étymol. et Hist. 1. Ca 1300 méd. « amas de pus » (La Chirurgie de l’abbé Poutrel, 18 ro10 cité par Ö. Södergård ds Mél. Lecoy (F.) 1973, p. 543); 2. 1371 « action de cueillir les fruits » (Oresme, Ethiques, livre VIII, chap. 13, éd. A. D. Menut, p. 433 : C’est a savoir en autompne; car en cel temps y peuvent il miex vaquier et euls reposer entre la colleccion des fruis passés et le labeur pour les fruis a venir) − 1675, J. H. Widerhold, Nouv. Dict. fr.-all. et all.-fr., Bâle; 3. 1466 « action de percevoir les impôts » (Ordonnances, XVI, 530 ds Bartzsch, p. 101) − av. 1772, D’Alembert ds DG; 4. 1680 « recueil » (Rich.); 1755 « réunion d’objets d’art » (Prév.) Empr. au lat. class. collectio « action de recueillir, de rassembler » et « ce qui est recueilli ensemble », spéc. en lat. impérial, terme de méd. (en parlant des humeurs).

Le collectionneur se plaît à susciter un monde non seulement lointain et défunt mais en même temps meilleur ; un monde où l’homme est aussi peu pourvu à vrai dire de ce dont il a besoin que dans le monde réel, mais où les choses sont libérées de la servitude d’être utiles. Walter Benjamin, Écrits français, « Paris, capitale du XIXe siècle », 1991.

En mon commencement est ma fin, et il y a fort à parier que dans ce qui va suivre je ne fasse que décrire quelques boucles autour d’un point insaisissable. Jean-Pierre Criqui, « Note lacunaire sur Robert Morris et la question de l’écriture » in Un Trou dans la vie, essais sur l’art depuis 1960, Desclée de Brouwer, 2002.

 

1

Ouverture

La Pietà d’Eugène Delacroix (1844), dans l’ombre d’une chapelle de l’église Saint-Denys du Saint-Sacrement, rue de Turenne à Paris. Déposition de la croix. Ce chef d’œuvre, écrit Charles Baudelaire travesti en Lady Gaga – robe viande et perruque platine –, laisse dans l’esprit un sillon de mélancolie. Il traverse le parking quasi désert de l’hypermarché d’une zone périurbaine, et se met à hurler. La loose. Vêtu de steaks. Sous le soleil de midi. Bourdonnement des mouches, odeur fétide. Zombie.

Tout acte littéraire.

Existe-t-il d’autres sujets comme celui de Faust qui vous attirent et vous préoccupent ? J’imagine que vous pourriez, par exemple, reprendre Don Quichotte, le réécrire à votre manière ?

Non.

En composant la Charteuse, pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du code civil, afin d’être toujours naturel ; je ne veux pas, par des moyens factices, fasciner l’âme du lecteur. Henri Beyle, lettre à Honoré de Balzac, le 30 octobre 1840.

De la publication, des effets et de l’application des lois.

Je vais pour ma part écrire sans recherche et sans fatigue, comme la chose du monde la plus normale et la plus aisée, la langue que j’ai apprise et, dans la plupart des circonstances, parlée. Guy Debord dans Panégyrique.

Je vais aussi

Rappelle-moi le nom de ce peintre japonais qui, en 1959, se jette du haut d’un immeuble et s’écrase sur une toile qui sera achetée par le Musée d’art moderne de Tokyo, et exposée.

te rendre aveugle.

Les murs de la galerie Toselli de Milan décapés par Michael Asher à l’automne 1973, l’espace du commerce de l’art exposé nu, dévoilé. La dernière tentative, en date, du combat contre la réification est celle de Tino Sehgal. Protocole de vente de ses œuvres par transaction orale, interdiction faite par l’artiste de documenter les situations qu’il crée, d’en faire image, d’en diffuser le descriptif. Seeling Out est le titre d’une œuvre qui date de 2002. Un homme se déshabille dès qu’un visiteur s’approche de lui, strip-tease.

Regarde

cette Jeune femme sur son lit de mort, tableau peint en 1621 par un artiste anonyme (Pays-Bas ou Allemagne), et conservé au musée des Beaux-arts de Rouen. Morte depuis deux heures, elle a les yeux ouverts. Cette œuvre est unique, écrit Yve-Alain Bois, en ce qu’elle n’obéit pas à la convention séculaire selon laquelle un cadavre se doit d’être représenté les yeux clos, comme si la mort n’était qu’un sommeil sans fin.

Tu vis donc encore ?

Debout pour l’Éternité, le Christ rédempteur de la fresque de Piero della Francesca, pâle et barbu, le flanc percé, étendard de croisé dans une main, te regarde.

Tiens-toi droit.

Pendant que nous visitions le temple de l’Aurore, écrit Houellebecq dans Plateforme, je notai mentalement de racheter du Viagra dans une pharmacie ouverte.

Rayer les mentions inutiles.

Madeleine en extase est l’un des trois tableaux que Caravage, condamné à mort, emporte avec lui sur le chemin de Rome, de grands chiens blancs à ses côtés, plongés dans l’ombre noire. Jusqu’à la forme pure : Kasimir Malevitch, 1915, son Quadrangle accroché en hauteur, dans un angle de la galerie Dobychina à Saint-Pétersbourg, ce « beau coin » où les icônes sont exposées chez les paysans russes.

Quête mystique d’un monde sans objet, multitude infinie des significations. Peuple grouillant de données, écho lointain d’une vague d’émeutes.

Voyous encagoulés – la terminologie d’usage –, « les gardes mobiles portent des boots ». Cette phrase est la première de Rose Poussière, le deuxième livre de Jean-Jacques Schuhl, paru en 1972. Le combat fabrique une zone d’échange où les ennemis se fondent, écrit-il. Leur apparition dans les rues provoque le trouble attrait du monde cruel et désindividualisé qu’ils (pré)figurent,

des mecs fouillent les poubelles devant les supermarchés.

La ligne de murmure internationale du spectacle réalisé fait vibrer les écrans, toutes les infos. Précisions impeccables, la plaie grattée à l’os. Costumes sombres des porteurs de cercueils, la vérité ultime des apparences. Ça semble devoir continuer, mais ça s’arrête au milieu d’une phrase.

Combien de pages, une vanité.

Ainsi ce vaste temple, auquel les Athéniens travaillèrent pendant sept siècles, que tous les rois de l’Asie voulurent achever, qu’Adrien, maître du monde, eut seul la gloire de finir ; ce temple a succombé sous l’effort du temps, et la cellule d’un solitaire est demeurée debout sur ses débris ! Une misérable loge de plâtre est portée dans les airs par deux colonnes de marbre, comme si la fortune avait voulu exposer à tous les yeux, sur ce magnifique piédestal, un monument de ses triomphes et de ses caprices. François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811.

Modalités d’existence de l’œuvre, ralentir travaux.

Avec le vide les pleins pouvoirs, écrit Albert Camus sur le livre d’or de l’exposition de Yves Klein chez Iris Clert en 1958, intitulée « Le vide », trois mille personnes assistent au vernissage. Le saut de l’artiste depuis la fenêtre d’un premier étage, douze ans plus tard, à l’automne 1960, révélé par l’image, et figé pour toujours, plongeon avant tendu, gargouille rue Gentil Bernard à Fontenay-aux-Roses, un homme dans l’espace titre une fausse édition du Journal du Dimanche réalisée par Klein.

Jusqu’à quel point vous sentez-vous étranger en tous lieux ?

Rôles définis, lisibilité constante de la distribution, apparitions organisées. Sous un voile d’apparence, un léger contre-jour. Debout à la fenêtre d’une petite chambre dans un hôtel minable, je renifle une culotte.

Héros de l’obstination inflexible, j’ouvre le minibar. Caravage signe sa décollation de Saint Jean-Baptiste avec le sang du martyr, Gabriel Orozco pousse une boule de plasticine dans les rues de New York (autoportrait de l’artiste en nomade), les dieux et Kafka donnent des coups de hache dans la mer gelée, Robert Musil cherche une cafétéria ou une station-service avec des toilettes.

Un assemblage hétéroclite de genres.

Hier j’ai préparé le transport à Paris des quelques centaines de livres qui se trouvent ici, dit Walter Benjamin à Gretel Adorno, dans une lettre écrite chez Bertold Brecht à Svendborg au Danemark, en octobre 1938. Mais à présent j’ai de plus en plus le sentiment que cette destination devra n’être, pour eux comme pour moi, qu’un lieu de transit.

Ce qui hante le contemporain.

Oui Jacqueline, tu as raison de t’allonger si tu le sens, écrit Houellebecq dans Les particules. Il feuillette un numéro d’In Touch avec Kim Kardashian en couverture, et une photo de Kanye West en compagnie de Riccardo Tisci. HE’S GAY, titre le magazine qui affirme que Kanye, l’ami de l’héroïne de l’émission de télé-réalité Keeping Up with the Kardashians, entretient une relation homosexuelle avec le directeur artistique de Givenchy.

Marqueurs visuels, chronologie des événements. Tous les arts vivent de parole, écrit Paul Valéry, toute œuvre exige qu’on lui réponde.

Périmètre sécurisé.

Tu ne te feras pas d’image taillée commande la Bible, ni aucune figure de ce qui est haut dans le ciel ou de ce qui est en bas sur la terre. Tableau perdu de Caravage, question de l’original, jamais tranchée par les experts.

Et maintenant ?

Tu termines le serrage avec les vis qui prennent appui sur la rondelle de protection du joint. Vas-y doucement. C’est ça.

Professionnel le plombier.

Tu sais Michel, dit une jeune critique à un mec qui semble dériver, les yeux clos, comme retournés à l’intérieur de lui-même, tu pourrais t’installer chez moi. Ou bien si tu préfères, on peut louer un appartement à deux.

Définir un système narratif.

Les treize insectes qui illustrent la pochette de l’album Barret, 1970, sont dessinés par l’auteur de Maisie. Il s’extrait de la baignoire et attrape sa Fender. Blues défoncé, voix d’outre-tombe. Bad luck, bride of a bull. Psychédélique barré, all the world a stage.

Expérience indicible et poétique.

Chaque jour qui passe,
sur fond d’Histoire.
Après quelques secondes de silence,
la vie future.
Du devenir,
c’est arrivé.
Du même auteur,
merci beaucoup.

Paraît également, chez Gallimard, un remarquable essai.

La vision nouvelle est un déménagement, un changement de domicile, écrit Gabrielle Buffet en 1920, dans son introduction au texte de Francis Picabia Jésus-Christ Rastaquouère. Les explications qu’on a confortablement, sans se déranger, sont : robinet d’eau chaude, robinet d’eau froide, dans une salle de bains.

Eh les enfants, le xxe siècle c’est terminé ! Rythme fluide d’un sablier monumental, catalogues raisonnés.

Dans les mythologies grecque et romaine le destin est une divinité aveugle, inexorable, issue de la nuit et du chaos. Le mot Allemand « sein » (être) écrit Kafka, signifie à la fois existence (Dasein) et le fait de lui appartenir.

Multiplicité de traces aussitôt recouvertes, venez boire à la coupe de la destruction.

O Révolutions
Samsara ! Samarra !
Légende !
Je peux tout
quitter.
Tout le monde aime
le Rêve, moi je le tue,
écrit Danielewski.

Rythmes sauvages,
moments sur-signifiants.
Punchlines brillantes,
les meilleures ventes.

Parole fixée de la logique du récit, qui commande et jamais ne doute. Loi de la forme ? Vaincre le hasard mot à mot (Mallarmé). Accumulation infinie d’intervalles équivalents, lancé en ce jour vide.

Apportez-moi de quoi écrire. Vite !
Un tête-à-tête avec les phrases.
Des vertus explosives.
Le son d’une voix : WAKE UP! WAKE UP!

Mes nouvelles lunettes Dior, toute la force de vivre. Lutte intime contre la lâcheté, rage expérimentale et déconstructrice, pure détermination de l’œuvre. Combat contre le désordre, le laisser aller, le chaos, le manque de discipline. Réappropriation des muscles internes et externes du sphincter, contractions vers le haut, stimulation du système nerveux et énergétique. Une expérience accessible à chacun, une conviction qui naît et meurt dans l’expérience elle-même.

Dans ce chapitre, je me mets en éveil.

Like a dancer, not a lover (with Sonic Youth, Kool Thing).

Je suis Dieu, je suis le Christ, je suis l’œil de Dieu, je suis le Bouddha, je suis Dieu en l’homme, je suis la politique du Christ, écrivait Nijinski. Corps cassé, sans repères, dans un mouvement unique, sans thèmes ni accents marquant le tempo, il danse, et Dieu est dans sa bite. Moi aussi je suis écrivain, dit-il à Jan Reszke. La première trace, l’instant zéro. Conjurer le désordre, se corriger sans cesse. L’homme s’exécute, possédé par ses rôles, jusqu’à la dernière page, les derniers mots : « je me suis ». Prose répétitive, obsessionnelle, violente des Cahiers écrits à l’hiver 1918 et c’est en mars 1919 – il est âgé de vingt-neuf ans – que Nijinsky, qui meurt quand il n’est pas aimé, je le cite, est interné.

Ok les mecs, c’est l’heure des médicaments.

À cette minute.
Plongé dans une noirceur violente,
je joue avec le zip
de ma combinaison orange.

Peut-être à cela pourrait-on ajouter quelques ratures.

Dans cette nouvelle aux puissants effets, marquée par le désordre extrême des sentiments, les personnages, emportés par leurs passions, se livrent aux pires excès. Analysez les procédés qui permettent à l’auteur. Recensez les moyens stylistiques et syntaxiques dont il dispose, à présent il fait nuit. Je fais jaillir une absolue sérénité dans le chaos innommable, Hugues Reip allume un puissant projecteur. Les ombres des silhouettes de White Spirit (Black Soul), évoquant des personnages de cartoon, fixées sur trois carrousels, défilent sur des écrans tendus dans les jardins du Luxembourg. Esprits nocturnes, parade fantomatique et ininterrompue, un voyage fantastique.

Do you feel burdened by that obligation to entertain?

Luke, le héros de The Cameraman, le film de Buster Keaton et Edward Sedgwick sorti en 1928, apparaît soudain. Il capte des plans destinés au service Nouvelles de la MGM, dont la devise est Ars gratia artis (l’art pour l’art).

Il te reste de la pellicule ?

Nécessité impérieuse du mouvement, le besoin d’établir des colonies à travers tout le système solaire, l’enfer lui-même souffle la contagion du monde.

C’est qui devant l’hôtel Meurice ?

Vertige obscène des apparences et du pouvoir, les gyrophares éclairent par flashes toute la scénographie. Je sens mon Samsung Galaxy vibrer dans la poche intérieure de ma veste, il va falloir serrer les lèvres. Passer en mode furtif. Souder les mitrailleuses sur les pick-up. Ils les vendent combien, à Saint-Denis, les AK-47 ?

Jeter son corps dans la lutte.

Ce slogan des Black Panthers est repris par Pier Paolo Pasolini dans Poeta delle Ceneri (Poète des cendres) – traduit en français par Qui je suis –, un manuscrit inachevé. Né en 1922 dans le Frioul, mort assassiné sur une plage d’Ostie, en 1975. A toujours vécu avec sa mère. Jouait au football au poste d’avant-centre. Fan de l’équipe de Bologne. Le petit match, écrit-il, dans le coeur de la banlieue, au milieu des lotissements qui, en dehors du soleil et de quelques figures de soeur, de mère, en pull des jours de travail, n’ont rien à offrir au nouveau printemps.


Anticipation, contrôle de balle.
Action offensive,
élargir le jeu.
Repiquer dans l’axe.

Bonheur de se trouver en compagnie d’êtres humains, écrit Kafka dans son Journal, je vais m’augmenter de ta présence. Je m’efforcerai de décrire avec précision l’expérience que nous pouvons faire de ce débordement.

Pour en jouir davantage.

Ce je, on l’a compris, avance tour à tour par déplacements subtils qui trompent l’œil étonné, par feintes de corps mais aussi dribbles fous d’attaquant au pressing.

Après les circonstances que je viens de rappeler.

Bar à la vapeur avec gingembre et coriandre, l’aura sulfureuse de l’écrivain mondain cocaïnomane disparaît derrière le chariot des meilleurs champagnes.

Quelqu’un peut me dire ce qui se passe ici ?

Les détails véridiques et les faits inventés s’étayent les uns les autres dans un tissu serré, qui veut nous faire accroire qu’il a valeur de biographie. S’opère un entrecroisement indécidable entre les deux modes de conditionnement filmique (actualité/fiction) et les deux catégories de faits (empruntés/inventés). Dominique Château, sur Citizen Kane.

Plus vous regardez la même chose.

Guerres locales, tentatives de réponses radicales, austérité, réformes de structure. Tapis de prière, experts certifiés, attaques mordantes. Bombes barils, panoplie d’armes sales. Drones furtifs, fosses communes. Bibliographie, exploits réels promis à la mémoire. Programmes sérieux et crédibles, mécanismes de domination à l’œuvre. Terres usées, sacrifiées, sanctifiées. Par nos efforts, contrôle social. Prédation, entropie, cryptages, systèmes logiques. Mythologie de la France, je vous en prie. Les héros des dernières sorties littéraires en proie aux tourments existentiels, un psychopathe enfonce des clous dans la tête d’une octogénaire. Tout acte de terreur, l’ombre d’un doute, ennui mortel.

Sinistres ces exhumations, les photos exclusives.

Affects usés de l’indignation, des protocoles autoritaires. Fonds indiciel, état civil. Note dégradée, manuel de survie en zone difficile. Junk food en cours de digestion, réseaux de significations multiples. Applaudissons la lune montante, le vent léger qui souffle sur la phrase. Quel serait le système symbolique d’un Joseph Beuys dans l’Europe d’aujourd’hui ?

L’âme du coyote, des sas de confinement.

Bandes frontalières, barrières de séparation. Clôtures intelligentes et détecteurs électroniques. Système de protection multicouches et tracés parallèles. Panneaux de béton de neuf mètres de haut, caméras de vidéosurveillance. Zones militaires, points de contrôle. Odeur de poudre, machine de guerre mondiale. Un éternel agenouillement, pour s’achever en solitude.

Pourquoi t’essayes pas d’écrire du porno ? dit Hank à l’exterminateur.

Rosebud acier chirurgical, set trois plugs silicone, boules de Geisha Black Velvet. Brunette toute nue devant le livreur de pizza, sa moule d’asiat bonne à fourrer. J’espère que cela ne vous choque pas, dit-elle de sa voix un peu rauque. Géométrie obsessionnelle, capter quelque chose du vivant. Une abondante flore bactérienne, la phase du cycle menstruel.

Détendons-nous.

Une séquence à écran noir du film de Guy Debord Hurlements en faveur de Sade, un piano peint de Bertrand Lavier. Le syndrome de Stendhal, une percée architecturale de Gordon Matta-Clark. Des statues de vendeurs de kebab, le retour du plombier. Tu prends la mesure de la coupe, tu positionnes le tuyau dans le coupe-tube, tu alignes la molette sur ton trait de repère.

Maintenant tu serres la vis.

Ce sentiment, toujours, d’être fixé, écrit Artaud, localisé autour d’un point d’absence, d’inanité, toujours le même. L’auteur se situe dans une ligne romantique anti-moderne, variations sur le thème de la tentation : les cendres de Sid Vicious oubliées par sa mère dans les toilettes d’un bar, à New York, l’urne posée sur le rebord du lavabo. Les minutes du Procès conte l’Occident, un sorcier vaudou et une poupée criblée d’épingles, le Maître des Portes, des querelles d’héritage, une chasse à l’homme. Film vidéo de cinquante-deux minutes, de rares dialogues. Pisteurs vêtus de combinaisons latex, lézards séchés en pendentifs. Techniques d’approche, relevés d’empreintes. Le spectateur ne voit jamais la cible.

Et va, les yeux fermés.

À examiner : le phénomène du Murmure (Murmuration), dont le nom vient du bruissement que font les battements des milliers de paires d’ailes d’étourneaux regroupés. Fonction de survie. Il s’agit de ne pas être à l’extérieur, voire aux marges de l’essaim, ni de compter parmi les premiers à atterrir, par crainte des prédateurs.

La prudence du serpent, le mythe individuel du névrosé.

Halo d’événements sensibles qui ne sont pas déterminés par leur possibilité mais porteurs, chacun, d’une possibilité d’histoire (Jacques Rancière, Les Métamorphoses de la Fiction).

Marche à pied sur des jambes qui tremblent.

Le numéro 1 de la revue Tel Quel (mars 1960) s’ouvre sur cette citation de Friedrich Nietzsche : Je veux le monde et le veux TEL QUEL, et le veux encore, le veux éternellement, et je crie insatiablement : bis ! et non seulement pour moi seul, mais pour toute la pièce et pour tout le spectacle ; et non pour tout le spectacle seul, mais au fond pour moi, parce que le spectacle m’est nécessaire – parce que je lui suis nécessaire – et parce que je le rends nécessaire.

Dans un corps agité.

D’abord il lit quelques lignes à la lumière de l’allumette puis, comme la tête lui brûle l’extrémité des doigts, il applique la flamme à la page. Une fin unique : l’acte final de lire et l’acte final de consumer.

Pour ce dernier paragraphe, et le suivant : Mark Z. Danielewski, La Maison des feuilles.

Et tandis que le feu dévore rapidement le papier, les yeux de Navidson balaient fiévreusement le texte avec juste un temps d’avance sur la nécessaire immolation, jusqu’à ce que, alors qu’il arrive au tout dernier mot, les flammes lèchent ses mains, la cendre se disperse dans le vide autour de lui, et alors que la flamme recule et faiblit, sa lumière soudain épuisée, le livre disparaît, ne laissant derrière lui que des traces invisibles déjà démantelées par l’obscurité.

Totaliser l’expérience d’une époque.

La présente édition du classique Traité de Plomberie d’Henri Charlent a été révisée et mise au point avec la collaboration du secrétariat de l’Union Nationale des Chambres Syndicales de Couverture et de Plomberie de France.

Pour toute partie de l’ensemble.

Le chiffre de César, n’importe quelle séquence hiéroglyphique. Une orchidée blanche et une plaque de marbre sur laquelle sont gravés les conseils du jardinier. Un livre sur les alphabets antiques, les pizzini de Provenzano.

Quatre jours pour faire vingt kilomètres.

Pratiques narratives minoritaires (Oh regarde ! Je suis en train de pénétrer le musée avec une grosse bite noire !), mode de compréhension qu’autorise la littérature. Défocaliser (le manifeste de Lars von Trier), l’ennemi c’est l’histoire. Rupture du système hiérarchique de la fiction, j’aime tous les hommes qui plongent (Herman Melville). Les images ne peuvent faire l’objet d’aucune retouche ni d’aucun recadrage, la pluie battait les vitres.

Les bruits d’un chantier voisin.

9 Avertissement,
23 L’œuvre d’une vie,
243 La littérature et la beauté du monde,
247 La poésie et l’existence,
865 Les temps du poème,
1007 Les arts et la beauté du monde,
1011 Regarder,
1143 Écouter,
1273 Le temps de l’écoute,
1285 Le texte et l’interprète, conclusion,
1299 Postface.

Dépôt légal.

Les découvertes de la poésie moderne sur la structure analogique de l’image démontrent qu’entre deux éléments, d’origines aussi étrangères qu’il est possible, un rapport s’établit toujours. Guy-Ernest Debord et Gil J. Wolman, Mode d’emploi du détournement, paru dans la revue « Les lèvres nues », 1956.

Prière d’insérer.

La carte du Temple mortuaire du pharaon Sahourê à Abousir en Haute Égypte (2500 avant J.-C.), sur laquelle figure le tracé du réseau de tuyauteries d’évacuation en cuivre découvert par l’archéologue Ludwig Borchardt, lors de fouilles réalisées de 1902 à 1908. Un fragment de canalisation, engravé dans la pierre, conservé au Musée égyptien et collection de papyrus de Berlin.

Toute nouvelle acquisition

Ossements humains réduits en poudre, échantillon de régolithe lunaire, portion d’asphalte portant des marques de freinage, terre crue provenant de Maryon Park, dans le quartier de Charlton à Londres. C’est là où Thomas – David Hemmings pour le Blow Up de Michelangelo Antonioni – lance une balle imaginaire, sortie d’un cours de tennis, à des joueurs qui simulent une partie. Un film vidéo et une série de photographies couleur documentent le prélèvement.

décompose

De l’hyper corps dressé de Ziggy Stardust à celui, malade, de l’homme allongé sur un lit d’hôpital, les yeux bandés, que l’on découvre dans le clip Lazarus, en 2015, toute une série de réinventions. De soi, et de son art. Who can I be now? Le même. C’est une vie qui s’écrit, et qui s’achève dans le silence assourdissant d’explosions kamikazes. Scènes tragiques de corps morcelés, déchiquetés d’hommes et de femmes qui accomplissent le sacrifice ultime, et de leurs victimes. Chaque jour, les preuves sanglantes que Dieu existe, je veux voir les visages. Mourir pour la cause, de grands soleils dorés. Défonce-toi dans une rêverie d’âge lunaire, beauté instantanée. Il y a le faisceau de la lampe torche de Margaret Mary Jones, ouvreuse de cinéma. Il y a …explosante-fixe…, l’œuvre de Pierre Boulez conçue en 1971 « afin d’évoquer Stravinski », compositeur qui compte parmi les toutes premières influences de Major Tom, avec Little Richard. Il y a Roquairol, le tableau d’Erich Heckel (1917), que possédait David Bowie.

et recompose

Je regrette de ne pouvoir publier vos poèmes dans La Nouvelle Revue Française, écrit Jacques Rivière à Antonin Artaud, dans une lettre datée du 1er mai 1923. Mais j’y ai pris assez d’intérêt pour désirer faire la connaissance de leur auteur. S’il vous était possible de passer à la revue un vendredi, entre quatre et six heures, je serais heureux de vous voir.

la collection.

 

 

fin de la première partie